Revista F@ro Nº 4 - Monográfico

Représentation et Attitudes envers les Minorités Culturelles et Linguistiques:
une Approche Psychosociale des Médias dans le “Glocal”

Roxana Villegas [1]
Université de Rennes 2, París
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Résumé: Cet article propose des pistes de réflexion pour appréhender les médias et leur relation avec les minorités culturelles et linguistiques et ce dans une perspective psychosociale. On cherche à valoriser et comprendre la diversité, l'hétérogénéité, la flexibilité, et le mouvement dans cette ère de communication.

Des questions comme la relation entre la représentation sociale, l'idéologie et les attitudes seront abordées. Celles-ci sont récurrentes dans les domaines de la psychologie sociale et des sciences de l'information et de la communication. On tentera de proposer un cadre théorique qui permette d'illustrer la complexité et la nécessité d'une analyse qui tienne compte d'une approche à un niveau macro et micro.

Mots clefs: Minorités culturelles-linguistiques, représentation, attitudes, accommodation, médias, NTIC, caractéristiques individuelles et facteurs d'interaction.

Abstract: This study proposes a number of framework for interpreting the media and their relationships with linguistic and cultural minorities in a psychosocial perspective. The aim of this study is to understand diversity, heterogeneity, flexibility and cultural evolution in the current communication era.

Question such as relations between social representations, ideology and attitudes will also be treated. These themes are frequent in the domain of social psychology as will as in the areas of information and communication.

The goal of my article is to propose a theoretical framework which can illustrate the complexity and the necessity of an analysis based on micro analytical and macro analytical approaches.

Keywords: cultural and linguistic minorities, representation, attitudes, accommodation, media, NTIC, individual characteristics and situational factors.

 
"El mundo es como un jardín, oí después, cada cultura es una delicada flor que hay que cuidar para que no se marchite, para que no desaparezca. A veces pueden parecernos semejantes, pero cada una tiene su aroma, su textura, su tonalidad particular. Y aunque las flores azules sean nuestras predilectas ¿qué sería de un jardín sólo con flores azules? Es la diversidad la que otorga el alegre colorido a un jardín (al mundo lo reencantan todas las culturas o no lo reencanta ninguna, me digo)".
Elicura Chihuailaf, poeta mapuche[2]


"Le monde est comme un jardin, j'ai entendu après, chaque culture est une fleur délicate dont il faut prendre soin, pour qu'elle ne se fane pas, pour qu'elle ne disparaisse pas. Parfois elles peuvent nous paraître semblables mais chacune a son parfum, sa texture, son ton particulier. Et même si les fleurs bleues sont nos préférées, que serait un jardin avec seulement des fleurs bleues ? C'est la diversité qui donne la gaieté en couleurs à un jardin (Le monde sera reenchanté de toutes les cultures ou d'aucune, me dis-je)" T.P.
Elicura Chihuailaf, poète mapuche

Quelques précisions

La question du rapport entre médias et cultures minoritaires occupe en Europe une place non négligeable dans les débats publics depuis une vingtaine d'années, particulièrement dans les pays ou les conditions d'existence des langues-cultures minoritaires ont subies des changements importants. Pourtant, les notions qui se dégagent de cette relation ont souvent été confondues ou bien ne répondent pas à un consensus conceptuel sur la réalité qu'ils prétendent désigner.

Même si " la définition" de culture n'existe pas, elle reste toujours ouverte et s'adapte aux besoins de réorientation des diverses théories ; on va considérer les travaux des culturalistes nord-américains comme Ralph Linton qui propose une vision extensive de la culture :  " Une culture est la configuration des comportements appris et de leurs résultats, dont les éléments composants sont partagés et transmis par les membres d'une société donnée". (Dans Calmes , 1990, p.1).

De ce fait, parler des cultures -langues minoritaires est restrictif en soi puisque sous cette dénomination on englobe des réalités très différentes les unes des autres. La seule chose en commun entre les dénommées cultures-langues minoritaires c'est que le groupe humain qui les constitue est moins important que d'autres groupes qui parlent une autre langue y qui sont sur le même territoire d'un même état [3]. Mais le facteur territorial est aussi important que le politique, les membres de cultures-langues minoritaires se trouvent normalement à la périphérie du pouvoir de l'état ce qui implique un désavantage et un risque de disparition. Mis à part cela tout est différent. Le nombre de locuteurs (ce n'est pas la même chose 9 millions de Catalans en Espagne que 300 mille Bretons en France ou plus de 600 mille Mapuches au Chili ), le statut légal , les conditions de vie, la relation avec les autres groupes linguistiques du même état ou de groupes voisins, le statut social de la langue pour ses propres locuteurs, les relations et attitudes de convergence/coopération ou domination qui existent entre le groupe majoritaire et le minoritaire varient.

C'est dans ce sens que la psychologie sociale a son mot à dire puisque comme on le verra tout au long de ce travail, la question identitaire directement liée aux minorités est aussi étroitement associée à la problématique des attitudes, des représentations et évidemment à celle des médias .

Une approche psychosociale des médias: Entre les représentations et les attitudes. Vers l'interdisciplinarité

Ces notions très étudiées en psychologie sociale et INFOCOM ont été et largement débattues par les chercheurs.   Pour notre étude on va considérer les travaux de Rateau (2000, pp. 29-57 ) comme essentiels puisqu'il éprouve expérimentalement l'hypothèse théorique d'une relation hiérarchisée entre opinion, attitude, représentation et idéologie : c'est ainsi que les attitudes sont instances génératrices et organisatrices d'opinions. Ce lien hiérarchique entre opinions et attitude explique les procédures classiques d'échelles d'attitude dans lesquelles les attitudes organisent un corpus d'opinions.

De la même manière on peut observer, que dans un groupe un bon nombre d'attitudes sont compatibles ce qui implique que la raison d'une attitude est à un niveau supérieur dont elle dérive. C'est celui des représentations sociales. Elles, a leur tour, toujours référées à un objet particulier sont inspirées et organisées par des idéologies qui sont portées d'avantages sur une classe d'objets, ce qui les rend comparable à un code interprétatif qui se trouve en amont des thématiques particulières. Alors on voit bien le passage entre ces quatre niveaux d'analyse. 

Notre réflexion se fixera comme objectif l'analyse des attitudes puisqu'elles impliquent d'aborder le micro niveau et nous permettent le passage au niveau macro dans l'étude des médias.

Plus précisément nous prendrons comme point de départ la définition de Palmerino (1984):

First, an attitude develops through experience with an object. Second, it predisposes one to act in a predictable manner with respect to an object. Third, an attitude consists of positive or negative evaluations...Only objects that have been contextually defined can have a specific attached to them ... Thus, in this sense an attitude cannot exist outside of a particular context because an attitude requires two contextually defined objects  [4].

En d'autres termes, une attitude implique deux objets définis contextuellement et la relation qui s'établit entre eux. Elle comprend trois éléments : un aspect socioculturel (le contexte), un aspect cognitif (l'expérience) et un aspect de conduite qui implique une prédisposition à agir en concordance avec elle.

La relation entre ces facteurs est si étroite qu'au niveau de la recherche on ne peut pas les dissocier davantage, surtout si l'on considère que les individus essayent de maintenir une certaine congruence entre les composants, les attitudes qui ont des affinités et entre toutes les attitudes qui constituent un système.

Des recherches récentes, comme celle de Nathalie Bayle (1999, pp.22-26), montrent l'importance d'étudier les attitudes au sein des entreprises parce que, certaines situations nous invitent à nous interroger sur les raisons qui incitent ou freinent les employés (assujettis ou non à la loi) à avoir ou non des comportements d'inclusion à l'égard des autres [5]. Elle désigne par le terme 'comportement d'inclusion' l'ensemble des actes effectués par les "décideurs " qui tendent à favoriser l'intégration de travailleurs dans l'entreprise (comportement d'embauche, comportement de recherche d'informations, de candidats et préparation de l'entreprise à l'accueil de ses travailleurs). Pour notre étude, cela voudrait dire que pour comprendre les comportements d'inclusion, et la politique de programmation d'une chaîne nous pourrions tenir compte de déterminants tels que l'attitude des décideurs à l'égard des cultures et des langues "minoritaires".

Dans cette perspective, il serait important que les médias agissent dans le sens d'une éducation vers une culture affective de la confiance en soi . Une culture qui devrait développer le désir de surmonter des attitudes de mépris, de stigmatisation ou de dévalorisation de soi ou des autres.

Une des études qui met en relief la relation entre attitudes et médias est celle proposée par Stuchlik (1974). Il signale comment la façon de voir ou de présenter la culture Mapuche au Chili a affecté le devenir de cette culture [6]. Cela illustre bien l'importance d'une offre audiovisuelle qui viserait la diffusion d'attitudes positives envers la communication interculturelle.

Notre problématique s'inscrit alors dans le courant de recherche qui avance que "ce sont les états internes qui gouvernent le comportement " [7], en sachant qu'ils ne peuvent pas complètement expliquer les comportements des individus. "Les attitudes des individus à l'égard d'un objet ne peuvent, en effet, à elles seules expliquer leurs comportements vis-à-vis de cet objet " (Drozda-Senkowska, 1996). Il peut y avoir des décalages possibles entre les attitudes et les comportements, donc on essaiera dans ce travail de mettre en relief les facteurs qui peuvent expliquer ces éventuels décalages.

La théorie de "l'action raisonnée " affirme que l'intention comportementale (elle-même déterminée par l'attitude et la norme subjective) constitue la seule base pour prédire l'action, se situant entre la conduite et le concept hypothétique des attitudes. L'intention reflète les facteurs motivationnels qui mènent à l'action, mais on peut se demander si les intentions se traduisent en actes systématiquement. D'autres paramètres peuvent intervenir  jouant un rôle 'd'arbitrage' entre ces trois facteurs, ainsi par exemple des éléments de l'environnement professionnel (incitations organisationnelles, normatives, facteurs ponctuels du contexte) influencent le comportement et les attitudes.

Cette conceptualisation peut être intégrée à ce que Preston (1989) nomme les caractéristiques individuelles et les facteurs d'interaction qui permettent d'éclaircir et d'o rdonner les facteurs qui sont à la base des attitudes.

Les caractéristiques individuelles sont divisées en 'adscrites' et 'acquises' : pour les premières, l'individu exerce peu ou aucun contrôle, (âge, sexe, origines (pays natal), ethnie, et région). Les deuxièmes (le rôle, le statut, la spécialisation) se développent à travers les relations entre l'individu et le groupe, le réseau ou la communauté. Les facteurs d'interaction nous mettent en rapport avec l'environnement (temporel et spatial), les relations de pouvoir et de solidarité, les réseaux où l'individu transite. [8]

L'espace pour les minorités : Questions sur les médias, une histoire d'attitudes

L'individu est à l'origine des changements culturels, mais la communauté, le groupe ou le réseau sont aussi la source et l'élément de propagation des changements. Dans toute culture, comme dans les entreprises de communication, il existe 'une lutte permanente entre tradition et innovation' .

On peut entrer ici dans le débat sur la télévision publique et se demander si elle a partout la possibilité (sinon la responsabilité ) de permettre aux minorités culturelles de participer à leur reconnaissance, à l'affirmation de leur identité; grâce à la diffusion des programmes qui permettent de comprendre les différences à l'aide d'une communication organisationnelle qui ouvre la voie au dialogue, à l'interaction, en tant que processus de contact , en tenant compte de la ' théorie de l'accommodation' (Gilles 1973-1979, Trudgill 1986). La théorie qui se développe à partir des concepts de convergence et divergence qui se produisent lors d'un contact. [9]

Une proposition politique qui vise à prendre en compte les minorités devrait considérer que la valorisation de ces groupes dépend autant des facteurs sociopolitiques, économiques (macro niveau) que des situations de contact face à face (micro niveau) puisque dans les situations de contact les individus agissent d'après les actes d'identité (Le Page et Tabouret-Keller, 1985). Ces actes reflètent les attitudes des gens envers leur ethnie, leur langue et celle des autres. Ils montrent la façon dont les individus se mettent en relation avec leur réseau dans le groupe auquel ils pensent appartenir et le type d'interaction qu'ils arrivent à avoir avec les autres groupes. Le changement attitudinal dans une problématique de ce genre est complexe, graduel et motivé de façon multidirectionnelle.

Cette conceptualisation nous permet d'étudier les attitudes et les comportements à l'égard des minorités dans le domaine des médias sans qu'ils soient limités à la sphère professionnelle de ceux qui présentent ces attitudes et ces comportements. En effet, on considère que les individus sont engagés dans plusieurs milieux, dans lesquels se construisent et se développent des attitudes. Ce phénomène pourrait parfois expliquer le décalage entre la conduite et les attitudes.

D'ailleurs Bayle (1999, p.26) affirme que les attitudes dans le milieu professionnel ont été développées dans d'autres domaines de vie que le domaine professionnel et que la congruence entre les attitudes et la conduite dépend aussi de la manière dont les gens gèrent leurs interdépendances dans d'autres domaines d'existence. Elle signale aussi que le degré de "perméabilité " des structures organisationnelles aux processus individuels a une influence sur l'action des membres de ces organisations. Le décideur  au sein de l'organisation est l'acteur d'une pluralité d'organisations (sociales, amicales, familiales) et il 'oppose sa propre exigence d'unité à celle de l'organisation' (Curi et Dupuy, 1996) [10]. Les structures faiblement bureaucratisées autoriseront plus facilement aux décideurs d'imposer leur 'propre exigence d'unité'. Elles permettront une plus grande cohérence entre les attitudes, les intentions et les comportements d'inclusion [11]. Au contraire, les structures fortement bureaucratiques imposeront d'avantage leurs propres exigences au décideur.

Ces constatations nous confirment l'idée que tout essai de normalisation favorisant une minorité est positif dans le cas des contacts avec un groupe majoritaire, plus dense, ayant un pouvoir politique, économique plus important. En effet, le contact entre un groupe dominant et un groupe minoritaire affaibli (groupe dominé) a souvent comme résultat l'imposition de la langue et de la culture du groupe dominant.

Cette conceptualisation nous permet d'aborder le monde des communications autrement. Pour pouvoir comprendre le rapport entre les médias et les cultures-langues minoritaires il faut s'intéresser donc à "ce qui se passe derrière la scène " Cottle (1997). On doit regarder notre objet d'étude avec une vision critique qui vient normalement de l'extérieur mais qui doit prendre inévitablement en compte le regard de l'intérieur même des entreprises de la communication. Penser donc à observer le contexte institutionnel, le régime de programmation, les objectifs professionnels, les politiques culturelles, entre autres. On devrait donc examiner comment les médias en tant qu'entreprises de communication concilient l'intérêt économique et l'intérêt commun  puisque "culture d'entreprise ", attitudes collectives, et interprétation du monde sont associées. La culture est l'esprit de l'entreprise, l'ensemble des croyances partagées qui se t rouvent dans les traditions et les habitudes des sociétés.

Tendances actuelles : Entre les politiques publiques, les industries culturelles et les NTIC

D'abord, nous pouvons remarquer la difficulté que représente la gestion des politiques culturelles respectueuses de la diversité et encore plus s'il s'agit de concilier ces politiques avec celles des mass media, puisqu'il faut maîtriser 'l'épreuve de force' entre le respect, la compréhension, l'acceptation de la diversité, le besoin d'unité et un marché qui commande.

En effet, les politiques publiques constituent un "ordre local " ( Muller, 1998, pp. 21-22-27 ) parce qu'elles "mettent en place des relations dissymétriques entre l'État, qui modifie l'environnement juridique des individus , et les citoyens.acteurs, hommes politiques, fonctionnaires de tous niveaux, groupes d'intérêt ". [12]

C'est la "dimension symbolique " (Edelman, 1976) des politiques qui nous intéresse puisque l'impact passe par la construction d'images, de croyances sur le monde qui peuvent modifier la représentation que les acteurs se font de leur entourage. C'est ainsi que l'on peut aborder la problématique des attitudes envers les cultures minoritaires dans ce genre de documentation, et c'est de cette manière que l'on peut affirmer l'importance des politiques publiques dans le domaine audiovisuel.

Depuis 20 ans la scène audiovisuelle mondiale a beaucoup changé. Comme Schneier-Madanes (1995, p.1) le dit, des changements qui bouleversent les mass media du monde entier , "soit dans la production ou dans la diffusion. Mutations profondes également dans les habitudes des consommateurs: à la globalisation de l'offre audiovisuelle répond une demande chaque fois plus segmentée".

Ces tendances mondiales ouvrent l'activité au delà des limites de chaque nation et de chaque état. Cette ouverture implique le partage entre la mission culturelle des chaînes et la gestion commerciale avec une tendance à l'homogénéisation pour répondre au processus de la 'libéralisation de production audiovisuelle'.

S'il est vrai que les médias , les industries culturelles permettent l'intégration des marchés, ainsi par exemple la télévision chilienne s'ouvre à un marché latino-américain, panaméricain, mondial; il est aussi vrai que les spécificités des médias de chaque pays se diluent afin de répondre aux standards de ces nouveaux marchés. Ils ont tendance à imposer un modèle esthétique unique en fonction d'un public où la différence culturelle se transforme en un exotisme rentable.

  Dans ce monde où les logiques commerciales commandent, où tout va aux émissions grand public, les valeurs traditionnelles, la pluralité et la démocratie peuvent être en danger. Bourdon (1998) signale:

Il n'y a pas de transparence du social à la télévision. Il n'y a pas, par exemple, de télévision qui permettrait d'accéder à un 'imaginaire social'. La télévision fait des choix dans un possible agencement de dispositifs, d'émissions, de thèmes, selon des ressources techniques, sociales, selon les caractéristiques des personnels et de l'organisation, selon ses rapports avec les autres médias, selon la façon dont elle construit l'image de son public. [13]

En effet, dans les médias comme dans la plupart des organisations aujourd'hui  " la mondialisation oblige les directions de firmes à intervenir dans des environnements culturels très hétérogènes en s'y adaptant et s'y rendant acceptable, tout en maintenant une efficacité globale de l'organisation." (Le Moënne 1998, p.160) .

Théoriquement, les moyens de communication de masse sont offerts à tous, la plupart des membres de la société, pour ne pas dire tous, sont dans leur aire d'influence. Aujourd'hui les chercheurs signalent que la télévision publique n'est plus la seule qui occupe un espace s'insérant entre la culture et la technologie, comme Arne Wessberg (1999, p.91) Directeur Général de Radio Télévision Finlandaise le dit "La radio et la télévision ces deux médias sont aujourd'hui, dans la société moderne, les plus importants agents dans la transmission de mythes .elles associent le changement animé par la technologie à une longue tradition culturelle ".

Même si l'arrivée de la radiotélévision numérique exige des transformations extraordinaires et profondes dans le secteur (dans les méthodes de fonctionnement, et de production appliquées au sein de l'entreprise, dans le rapport au secteur des contenus, puisque c'est un moyen tout à la fois individuel et de masse), on peut se demander si une radiotélévision numérique sera bientôt aussi accessible que la hertzienne. Dans ce sens, il faut remarquer qu'en Europe occidentale 60% des foyers en moyenne avaient seulement accès à la télévision hertzienne, en 1996 [14]. Mais, la plupart des sociétés de service public utilisent déjà des studios numérisés.

Dans ce contexte, quelles que soient les thèses sur la mission [15] de la télévision publique, elle reste, au sein des médias, une de celles qui devrait pouvoir garantir une offre, un espace aux différentes communautés afin de refléter la nature multiculturelle des sociétés puisque comme le dit Calmes (1990, p.1) " Tels quels, ou adaptés pour la circonstance, seuls les média peuvent, en effet, diffuser et dynamiser les nouvelles logiques de développement de la diversité culturelle ". 

Malgré tout, les biens et services culturels ne peuvent pas être assimilés à des marchandises comme les autres dans le cadre d'une économie globalisée. Le défi est, alors, d'articuler la logique économique avec la logique culturelle, afin de ne pas nous retrouver "dans une situation mono culturelle de l'esprit humain, parce qu'on a tout fait, au plan mondial, pour promouvoir le commerce mais pas pour reconnaître la diversité culturelle " (Helfter, 1999, p. 23).

Il s'agit donc de réconcilier la culture et l'économie, l'ouvre et le public, le respect de la diversité et l'industrie.

Les inégalités économiques qui touchent dans la plupart des cas les cultures minoritaires se reproduisent dans l'espace audiovisuel. Malgré cette réalité et une diffusion souvent limitée les médias alternatifs jouent parfois un rôle clef en tant qu'outil d'accès, de participation et de réflexion sur l'information. Ils peuvent contribuer à la visibilité des minorités et à celle des voix dissidentes, notamment à l'échelle locale. On arrive peut-être ainsi à prendre la température de la rue, à mener une démarche éducative qui permette sentir, penser et agir contre le mouvement homogénéisant de la globalisation.

À côté des télévisions et des radios locales on trouve une autre alternative: les Nouvelles Technologies de l'Informations et de la Communication (NTIC).

En effet, les rapides changements dans ce secteur qui complète un ordre mondial basé sur une culture de masse universalisante, ont permis la naissance des notions et des réalités réinventées. C'est ainsi qu'aujourd'hui on parle de plus en plus dans la rue de communauté virtuelle, de cyberespace, de cyberculture, entre autres. Ces notions, liées parfois à des résistances culturelles, résistances aux systèmes massifs et contrôlés d'information, représentent une sorte d'espace public local, une communauté interconnectée en temps réelle dans un espace virtuel. C'est à ce sujet que le philosophe Paul Virilio parle de remplacer le mot global par GLOCAL, une contraction de global et de local. Il considère, que le local est forcément global et le global forcément local.

Dans ce contexte de communication basée sur des groupes et/ou des communautés d'intérêt (appelés Tribus), les cultures-langues minoritaires ont trouvé un espace ouvert pour la diffusion de leurs revendications, et ce d'avantage que dans d'autres médias [16]. Autrement dit, "les tendances à l'universalisme qui accompagnent la mondialisation nourrissent, en même temps, le regain des phénomènes communautaires : le clan, la tribu, la bande, la clique, voire la secte ou la mafia.[17]"

Ces tribus du cyberespace sont constituées par des individus dispersés spatiallement et temporellement mais proches dans une logique psycho-émotionnelle. Dans notre étude, des individus qui partagent des attitudes en faveur de la liberté d'opinion, la créativité, le bénévolat, la mise en réseau des compétences, la généralisation de l'accès à l'information et la participation à la circulation des idées. Ils sont nomades à leur manière, Ils participent à une "revanche " celle qui permet une interconectivité plus démocratique.

Mais cette Globalisation de la communication et des connaissances, cette société de communication (Neveu, 1997), ce tissu de communication de plus en plus serré se noue autour de la planète et touche, fascine, sans barrière d'espace ou temps des personnes de cultures et langues diverses. Elle porte en soi une conception du monde propre à la tradition occidentale ce qui représente un défi en matière de communication interculturelle.

  En guise de conclusion 

  On a voulu montrer que la "massmediation " des langues et des cultures minoritaires est une expérience complexe. Comme on a pu constater les angles d'attaque de cette étude sont multiples et non exclusifs, nous avons fait et nous ferons un effort pour 'penser les médias', pour reprendre une expression qui a déjà été utilisée.

Notre étude s'est efforcée de présenter un premier réseau conceptuel possible permettant l'analyse pluridisciplinaire de ce champ d'étude puisqu'il n'existe pas une théorie générale qui permette de mettre en relation les facteurs que nous avons travaillés. Ainsi, il a fallu réordonner et adapter des conceptualisations, des approches diverses afin d'éclaircir, dans un premier abord, notre problématique.

On a pu montrer la possibilité d'analyser des niveaux complémentaires : le macro niveau qui révèle des patrons sociaux, culturels, ethniques et le micro niveau qui nous parle de l'étude des attitudes. La motivation de n'importe quel changement dans la sphère sociale est d'origine individuelle au début et sociale au moment où il est adopté et diffusé. Tout cela a un effet circulaire au sein des entreprises, des groupes et de la culture.

Des problématiques cruciales resteront à résoudre dans un premier temps. La diversité d'offre dans le contenu n'est pas assurée par la diversité de services ; les pouvoirs publics adoptent une perspective plus sociale plus ample vues les possibilités du contexte numérique ; les gouvernements sont encouragés à élaborer des politiques soucieuses de garantir une participation aussi forte que possible des différentes communautés pour éviter que les technologies de l'information et de la communication ne marginalisent d'avantage les groupes défavorisés et pour que les attentes plus grandes en matière de liberté, d'autonomie, de décentralisation et d'ouverture puissent se réaliser. Dans ce sens, le dernier Rapport Mondial sur la Communication et l'Information de l'Unesco (1999-2000, p.132) remarque "les citoyens n'ont pas dans beaucoup de pays, l'opportunité de partager les bienfaits des nouvelles technologies".

En utilisant les termes de Edouard Glissant (1996) on pourrait se demander si les NTIC nous permettront nous créoliser [18] autrement. Mais pour que cette créolisation se réalise réellement il faudrait que les éléments culturels mis en présence soient équivalents en valeur.

Les médias , pourront-t-ils offrir des "produits " qui reflètent les changements à niveau interpersonnelle, l'hétérogénéité, les conflits de la société d'aujourd'hui, et encore plus pourront-t-ils proposer des nouvelles imaginaires de société plus dialogiques, respectueuses des minorités, plus démocratiques.

Même si cette étude n'est pas centrée sur cette problématique en particulier, on pourrait se demander si, sur le plan international, national et régional les autorités de différents pays créent les normes et les régulent avec une flexibilité capable de suivre les évolutions technologiques, et si elles sont en mesure de garantir le maintien démocratique des cultures minoritaires.

Inutile de dire donc que je me suis contentée ici de poser quelques prémisses afin d'adopter dans la relation médias et langues-cultures minoritaires une approche qui permette l'interdisciplinarité des sciences humaines . Ici, la forme donnée à l'étude conduit à ouvrir chaque niveau d'analyse vers un autre qui le prolonge. Cette réflexion nous engage bien entendu à poursuivre cette démarche dans notre travail de chercheur.

Références Citées.

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____________,  «Éléments de communication interculturelle», polycopies D.E.A. Département INFOCOM.

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Notas

[1] Dr.©.UFR Langues. D.E.A. Sciences de l'Information et de la Communication . ATER Université de Rennes 2. France.Professeur Université de Playa Ancha de Sciences de L'Education (2004-2005), Université Catholique de Valparaiso (1995-1998/2004-2005), Université Métropolitaine de Sciences de L'Education au Chili (1992-1994). Membre de l'Equipe de Recherche Interdisciplinaire sur les Mondes Ibériques et d'Amérique Latine (ERIMIAL)Université de Rennes 2. France (1999-2006).

[2] Chihuailaf, Elicura "ÑI KALLFV PEWMA MEW. MI SUEÑO AZUL" dans El despertar del pueblo mapuche: nuevos conflictos, viejas demandas, LOM, Santiago 2004 p.81. Ce poète mapuche a reçu le prix du Conseil National du Livre et la Lecture du Chili en 1994 et en 2000. Son travail a été traduit en 9 langues.

[3] On peut affirmer qu'une communauté linguistique appartient nécessairement à une culture. Cependant, le partage d'une même langue n'assure pas l'appartenance à une même culture, c'est le cas de la langue espagnole, entre autres, et les différentes cultures qu'elle rassemble dans son domaine linguistique.

[4] En premier lieu, une attitude se développe à travers l'expérience avec l'objet. Deuxièmement, elle prédispose à agir d'une façon déterminée devant un objet. Finalement, une attitude est une évaluation positive ou négative.. Seulement les objets qui ont été définis contextuellement peuvent avoir un lien spécifique envers eux .Dans ce sens, une attitude ne peut pas exister en dehors d'un contexte particulier parce qu'une attitude a besoin de deux objets définis contextuellement" (T.P.) dans Villegas, Roxana, Actitudes Linguistícas frente al español de Chile. Diarios de Viajeros .S.XIX.. Communication, XII Congrès sur l'espagnol en contact avec d'autres langues. University of Southern California, novembre 1991, p. 3.

[5] L'étude de Nathalie Bayle a pour objectif l'analyse des attitudes envers les travailleurs handicapés.

[6] Des professionnels de la communication, différentes associations ainsi qu'une multitude de sites Internet confirment l'importance des médias pour la survie des langues et des cultures minoritaires. À ce sujet, on peut citer, par exemple, la déclaration faite lors du Séminaire International « les peuples indigènes en face des NTIC » qui a eu lieu à l'UNAM au Mexique en 2005. http://revista.serindigena.cl

[7] Ajzen et Fishbein 1980 dans Bayle, Nathalie, attitudes et comportements des employeurs vis-à-vis de l'employabilité des personnes handicapées : Le rôle du contexte Organisationnel , communication dans les actes du IV ème Colloque International de Psychologie Sociale Appliquée, organisé par la ADRPS. Rennes, juin 1999, p.25

[8] La théorie de l'accommodation essaie d'expliquer pourquoi et comment les individus modifient leur conduite linguistique et non linguistique en présence des autres. Ce qui est important pour cette étude c'est que les limites et le degré d'intégration ou d'adaptation dépendent de facteurs individuels, sociaux, géographiques et démographiques. Les facteurs attitudinaux peuvent être essentiels s'ils sont favorables dans un face à face ou dans le contact entre groupes. La convergence et la compréhension permettent l'adoption de nouvelles croyances et de nouvelles façons de se comporter. Tout cela justifie l'intérêt d'étudier les attitudes au sein des médias. On peut aussi récolter nombre d'indices sur l'importance des représentations dans les différentes attitudes envers ces groupes et envers soi même.

[9] Pour notre étude l'idée de contact implique aussi ce que Fuenzalida (2000) appelle un contact psychologique . Il implique la création des mass médias -de la télévision en particulier pour l'auteur-, d'une complicité culturelle avec l'audience qui fait qu'un programme sera vu.

[10] Dans Bayle, Nathalie, p.26.

[11] Comme on verra plus loin dans cet article, c'est sans doute ce que permettent les organisations nées dans l'espace virtuel

[12] Muller, Pierre et Surel, Yves, L'analyse des politiques publiques , Paris, éd. Montchrestien, E.J.A. 1998, p. 21-22-27. L'auteur insiste sur le fait que les politiques publiques ne vont pas résoudre les problèmes [encore moins ceux du domaine de l'inter culturalité], le processus de résolution est beaucoup plus complexe mais elles sont importantes car elles constituent un ordre local.

[13] Cité par Markus Boom de l'observatoire européen de l'audiovisuel dans Khouri-Dagher, Nadia   « la télé qui vous regarde» Sources UNESCO, décembre 1999, Nº118,p.1, http://www.unesco.org/sources

[14] Observatoire européen de l'audiovisuel, Strasbourg ,1998, p 92, http://www.unesco.org/sources

[15] "la mission du service public n'est pas un catalogue des tâches quantifiables. Chaque société doit, au contraire, définir ce que signifie le service public de radiotélévision dans son contexte, et souvent cela s'exprimera dans le cadre d'un texte de loi sur la radiodiffusion". Wessberg, Arne, "La radiotélévision de service public", dans Rapport mondial sur la communication et l'information 1999-2000, Paris, UNESCO, 1999 p.95, http://www.unesco.org/webworld/wcir/fr/report.html.

[16] A noter les plus de 25000 sites ou pages Internet que l'on trouve lorsqu'on inscrit le mot mapuche dans le moteur de recherche Google. On peut parler sans doute du côté paradoxal des NTIC : Majoritaire et minoritaire, local et global et à la fois.

[17] L'art de l'entreprise globale. Des outils pour penser la marque mondiale.
http://www.lesechos.fr/formations/entreprise_globale/articles/article_8_3.htm

[18] Selon l'auteur le monde se créolise, les cultures du monde sont mises en contact de manière consciente: les uns et les autres se transforment non seulement lors des conflits mais aussi par les échanges à travers les NTIC.

De la même façon que les esclaves africains se trouvaient dépouillés de tous les éléments propres à leur vie quotidienne lorsqu'ils débarquaient en Amérique, aujourd'hui les inégalités vécues par les minorités dans la vie de tous les jours se reproduisent dans le milieu audiovisuel et dans le cyberespace. On ne peut pas nier que la place des langues-cultures minoritaires dans le scénario dessiné par les NTIC est très limitée. Reste à savoir si les membres des cultures-langues minoritaires pourront s'approprier les NTIC sans s'oublier eux-mêmes. Pourront-ils comme les africains d'autre fois aux Caraïbes réussir, de façon imprévisible, à défendre ou à recomposer une langue (le créole), à créer et à diffuser des formes artistiques pouvant être valorisées, adoptées ou adaptées par tous ?


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Revista teórica del Departamento de Ciencias de la Comunicación y de la Información
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